René Verseau (1925 - 2021)
Philippe Morel,
Président de l'Astro Club de France
L'Astro Club de France vient de perdre son doyen en la personne de René Verseau
qui était aussi le doyen de la Société
Astronomique de France car admis en 1942, parrainé par Madame
Gabrielle Camille
Flammarion et par Lucien Rudaux.
Né à Paris, René a passé son
enfance près des pistes de l’aéroport du Bourget et le 21 mai 1927 et emmené
par ses parents, il a assisté à l’atterrissage triomphal du Spirit of Saint Louis
piloté par l’aviateur américain Charles Lindbergh.
10 ans plus tard René entre pour
la première fois sous la coupole du Planétarium du inauguré en 1937 à
l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris : une passion sans limites
venait de naître.
Après un court exode à Tours puis
Guéret, l’Occupation allemande et ses restrictions le conduisent très souvent
au Palais de la Découverte au contact de Lucien Rudaux, auteur du « Manuel
Pratique d’Astronomie » qui fut son premier livre. Il s’y rendait souvent,
car, rappelait-il : « il y faisait moins froid que chez nous ».
Une fois le Bac en poche René est
employé par Air France sur un poste d’agent de la circulation aérienne où il se
fait rapidement remarquer, lui permettant l’obtention d’un brevet de pilote alors
qu’il n’avait pas encore le permis de conduire une automobile. En très peu de
temps il deviendra ingénieur des travaux et lui seront proposées des missions
lointaines à partir de 1948.
Mais avant cela, en 1946, René
assiste à l’Institut Océanographique, à la présentation par Jean Texereau du
télescope standard de 200 mm de diamètre réalisé à la Commission des
Instruments de la Société Astronomique de France et, pour lui qui ne disposait que d’une petite
lunette de 40mm, ce fut une révélation. Immédiatement, il deviendra un des
piliers de cette Commission et réalisera son propre télescope standard qui le
suivra en Tunisie puis au Congo.
De 1948 à 1953 René est envoyé en
Tunisie puis quelques mois au Tchad avant d’arriver au Congo au début de 1954
où, depuis l’aéroport de Brazzaville et avec son télescope de 200mm, il observe
et dessine la planète Mars alors en opposition très favorable. Ses dessins font
aujourd’hui encore référence. A la fin de 1954, René est de retour en Métropole
pour 6 mois durant lesquels il taille un miroir de 300mm dont Jean Texereau
réalisera la parabolisation. Il repart ensuite avec son miroir sous le
bras : direction le Burkina Faso, ex Haute Volta, où, avec un accès aux
ateliers bois et mécanique de l’aéroport de Ouagadougou, il réalise l’ensemble
de la mécanique de ce télescope pour lequel il fabrique une monture équatoriale
anglaise en modifiant un pont arrière de camion. René arrive aussi avec une
mission que lui ont confiée Jean Texereau et Robert Sagot : documenter le
maximum d’observations pour un projet éditorial : la « Revue des
Constellations ». René part de
Ouagadougou en 1959 avec le tube de son télescope de 300mm en abandonnant
l’équatorial sur place, direction le Cameroun ou il va le réinstaller sur une
nouvelle monture anglaise beaucoup plus massive sur l’aéroport de Yaoundé. Peu
après son départ de Ouagadougou est arrivé Charles Boyer avec qui René travaillera
à la détermination de la période de révolution de l’atmosphère de la planète
Vénus. Ils se rencontreront à Yaoundé en 1957 et de même avec Jean Dragesco
avec qui René restera en contact jusque sa disparition il y a quelques mois à
l’âge de 100 ans.
En poste à Yaoundé, René va rater
l’éclipse totale de Soleil française du 15 février 1961, et, de retour à Paris
début 1962, il ratera aussi l’éclipse annulaire camerounaise du 31 juillet de
la même année.
A partir de 1962 René se fixe en
France et décide en 1964 de faire construire une villa à Rambouillet et là
encore, l’astronomie sera omniprésente d’abord, car l’architecte est Alain Poirier,
astronome amateur et employé de la société Parra Mantois, fabricant de verre à
usage astronomique, ensuite « Alioth » est le nom donné à cette
villa, enfin parce qu’il y réinstalle son télescope de 300mm sur la partie
mécanique de la monture ramenée de Yaoundé moyennant, disait-il :
« un léger surpoids de bagages » … de 120 kg tout de même.
Toujours partant pour la
découverte de nouveaux horizons, René a chassé 12 éclipses totales et
annulaires de Soleil, dont plusieurs avec Pierre Bourge et celle du 11 juillet
1991 avec l’équipe de l’Institut d’Astrophysique de Paris conduite par Serge
Koutchmy avec laquelle, cinq ans avant il s’était déplacé en Amérique du Sud
pour l’observation de la comète de Halley.
Dès qu’il y avait une occasion de
se rapprocher des étoiles, René était de sortie avec son camping-car qu’il
avait dénommé avec dérision « SAMC » (Station astronomique mobile de campagne)
et ce moment de séparation nous remémore les innombrables moments de vie passés
en sa présence toujours bienveillante, et même arrivé à l’hiver de sa longue
vie, René a toujours su capter l’attention de tous sans distinction d’âge. De
Saint Aubin de Courteraie à l’époque Pierre Bourge en passant par Valdrôme
jusqu’aux aux Rencontres Alpes Europe Astronomie 2020 qui furent sa dernière
sortie astronomique, René était de tous les rassemblements où l’astronomie de
salon était absente.
Autre très grande passion de René
venue de sa mère : la musique et, en particulier, l’œuvre de Wolfgang Amadeus
Mozart qui l’a emmené plusieurs fois à Salzbourg mais aussi celle de Jean
Sébastien Bach et des grands romantiques. Aux côtés de sa compagne Josiane,
elle aussi animée de la même passion, cette parfaite harmonie a su dépasser les
outrages du temps.
Au-delà de ce parcours
exceptionnel, René ne laissait personne indifférent avec un sens marqué de la
hiérarchie au bas de laquelle il s’est toujours considéré, un sens de
l’hospitalité sans égal et une bonté sans limites, le tout doublé d’une
espièglerie qui, pour en rebuter quelques-uns, en charmait tant d’autres.
Il n’est pas donné à tout le
monde d’avoir un patronyme porté au ciel dès le jour de sa naissance mais
s’agissant de René nous pouvons affirmer qu’il a honoré toute sa vie, non
seulement la constellation portant son nom mais le ciel tout entier et la Société
Astronomique de France dans ses valeurs les plus nobles.
A Josiane, sa compagne, à ses
filles Anne-Marie et Isabelle, à sa famille et ses très nombreux amis nous
adressons nos très sincères condoléances.